« L’esclavage prend de graves proportions lorsqu’on lui accorde de ressembler à la liberté. » – Ernst Jünger
On connait ce sentiment. Le relevé de la carte de crédit arrive et ton cœur semble sauter un battement. On le consulte furtivement, comme si l’effleurer du regard allégeait les chiffres. Mais ça change rien. Nous vivons au-dessus de nos moyens, amis.
Qu’on roule dans un char de l’année quand on n’en a pas les moyens, qu’on s’habille, à crédit, comme une star, qu’on collectionne les lunettes de soleil de luxe ou qu’on mange trop souvent dans les restos chics, ce sont tous les symptômes d’une même maladie. Nous sommes des consommateurs compulsifs.
Comment en sommes-nous collectivement arrivés là? Pourquoi en vouloir plus, plus et toujours plus? Pourquoi vouloir une Ducati et pas juste une moto? Pourquoi rêver à une Porsche quand on a juste besoin d’une auto? On sait tous qu’une Timex donne l’heure mais le fantasme, c’est la TAG Heuer, objet de convoitise qui attire les regards et augmente notre statut social. Va falloir l’admettre, les marques nous intoxiquent.
Tiens je vais vous faire plaisir: Chanel, Louis Vuitton, Audi, Canada Goose, BMW, Lacoste, Gucci, Guess, Ray-Ban, Cartier, D&G, Hugo Boss, Apple. Salivez-vous? Y retrouvez-vous rêves? En manque-t-il?
La vérité est que nous ne sommes plus maîtres de nos désirs; ils sont conçus de toutes pièces par de brillants stratèges marketing puis implanté dans nos crânes à petites doses. Enfin, petites mais nombreuses car on estime généralement qu’une personne reçoit de 2,500 à 3,000 messages publicitaires PAR JOUR. Cela inclut la télé, la radio, les journaux, les enseignes des magasins, les logos sur les vêtements, les sacs, etc. Rapporté sur une seule année, ça en fait plus d’un million de messages qui ENTRENT DANS NOS TÊTES. Faut dire que programmer des consommateurs décervelés est un long processus. Il faut harceler les sujets depuis leur plus tendre enfance pour créer ces inaccessibles « besoins ».
Voyez-vous de quel type d’esclavage je vous parle? Nous sommes à fond dans la consommation, accrocs aux achats impulsifs et l’effet dopant qu’ils nous procurent pour un instant. Nous sommes des esclaves et notre maître n’est pas un homme, c’est un système économique. Et on joue son jeu à fond; pris au piège que nous sommes, la cravate à terre à travailler 40, 50 ou 60 heures semaine pour pouvoir maintenir nos rythmes de vie.
C’est un esclavage nouveau car notre corps est libre – quand on ne travaille pas – mais notre esprit ne l’est pas. Un grand morceau appartient à notre maître. Il nous sera restitué quand nous ferons le choix d’arrêter de vouloir avoir dans le futur pour être dans le présent. Réaliser ça est déjà un pas dans la bonne direction…